Plateforme d’analyse biopsychosociale des trajectoires en santé mentale

De pénibles expériences de vie durant les premiers stades de développement d’une personne, les abus sexuels et physiques autant que les carences émotionnelles, sont parmi les plus forts prédicteurs de pathologies psychiatriques ultérieures, tout particulièrement de dépression, d’abus de substances et de suicide. Ces facteurs influencent aussi l’évolution clinique, le déclenchement précoce de la maladie, la mauvaise réponse au traitement, une forte comorbidité et un recours chronique aux services de santé.

On considère généralement que l’adversité durant l’enfance influe sur le développement psychologique, induit des modèles de réponses comportementales inappropriées qui, à leur tour, conjuguées à des difficultés interpersonnelles persistantes, génèrent et entretiennent une hyperréactivité au stress. Ces traits accroissent le risque de pathologie dépressive, de dépendance et de suicide. L’association entre adversité en bas âge et problèmes psychiatriques est prouvée par de très nombreuses et solides études empiriques et par la recherche théorique. Toutefois, nous découvrons à peine comment les mécanismes moléculaires contribuent à l’intensité et à la durabilité de ces effets. 

Comment l’adversité durant la petite enfance influence-t-elle le risque de psychopathologies durant toute une vie? Des chercheurs de notre Réseau ont réalisé des percées significatives sur cette question cruciale, notamment grâce à des études sur les soins maternels chez les rongeurs démontrant l’influence épigénétique sur la transmission de gênes critiques pour la régulation de la réponse au stress. L’examen de tissus cérébraux de personnes décédées par suicide a ensuite démontré que la même influence se rencontrait aussi chez l’humain. Plus important, nos études ont prouvé le lien entre adversité durant l’enfance et risque de problèmes de santé mentale par l’intermédiaire de processus épigénétiques manifestes dans des régions comparables du génome des deux espèces. 

Ces résultats ont soulevé de nombreuses et fondamentales questions. Quel est le degré de régularité des modifications de la méthylation de l’ADN associée aux troubles de l’humeur et au suicide? Quels autres mécanismes épigénétiques jouent un rôle dans la prédisposition à ces troubles et au suicide suite à une expérience d’adversité en bas âge? Quels sont les effets de l’usage de substances sur la méthylation et sur d’autres marques épigénétiques? Du point de vue de l’accroissement du risque, quels comportements médiateurs de troubles de l’humeur ou de suicide découlent de changements épigénétiques? Quels sont les autres facteurs médiateurs contribuant à un risque accru? Les effets des facteurs comportementaux et moléculaires associés à l’adversité en bas âge sont-ils réversibles? D’autres événements traumatiques entraînent-ils un risque similaire par les mêmes mécanismes? Leurs effets sont-ils cumulatifs? L’un des buts importants de ce regroupement stratégique sera de promouvoir le développement de recherches transdisciplinaires afin d’apporter un nouvel éclairage sur ces questions.